RECRUDESCENCE DE LA MENDICITE AU MALI. L'Echec d'une politique


A l'instar de l'ensemble des pays en voie de développement, le Mali n’est pas épargné par le phénomène de la mendicité sur toutes ses formes. Face à l’ampleur de ce fléau qui va crescendo, nos autorités administratives et municipales semblent réduites à un mutisme coupable. De toutes les façons, cette situation marque l’échec d’une politique.

Un enfant Talibé, sauvagement bastonné par son maître
La mendicité est l’action de demander l’aumône et la charité. Elle se fait depuis la nuit des temps. De nos jours, elle a pris une tournure dramatique avec des motivations aux allures mercantiles sans précédent. Ce phénomène frappe durement le visiteur étranger dès qu'il met le pied au Mali. Les mendiants courent à travers les rues. Ils sont de tous sexes et de tous âges. Des vieux malades de la lèpre, aux pauvres enfants exploités par des marabouts sans foi ni loi, sans oublier les handicapés et les personnes âgées. Heureusement que certains marabouts respectent les normes religieuses. La communauté est sans cesse sollicitée par des pauvres gens sans ressources. Quand on connaît la pauvreté du pays et de ses habitants, on peut aisément comprendre l'extrême dénuement de cette frange miséreuse de la population. Plusieurs éléments peuvent expliquer ce nombre de mendiants qui croît de façon exponentielle.


UN HANDICAP

Des miséreux dont les membres sont rongés par la lèpre jusqu'aux non-voyants et aux victimes de la poliomyélite, le spectacle est hélas omniprésent. Si aujourd'hui, la polio et la lèpre sont presque totalement vaincues au Mali, les pauvres qui ont contracté la maladie, il y a des années, sont forcés de mendier dans la rue, pour avoir un revenu et ne pas dépendre d'une famille parfois très pauvre. Le travail étant une denrée rare pour les valides, les handicapés ont hélas très rarement l'occasion de trouver un emploi dans notre pays. Le plus triste vient du fait qu'il n'est pas rare, notamment pour les non voyants, de voir les invalides accompagnés d'un gosse qui leur sert de guide au lieu d'aller à l'école... Ce cercle vicieux de la misère, est en passe de devenir une mafia pour certains. Pour avoir un guide, ces vieux aveugles n’hésitent pas à louer des enfants par jour pour les besoins de leur cause. A l’absence de toute politique de réinsertion digne de ce nom pour ces anciens malades, on peut dire que le bout du tunnel de la mendicité est plus que jamais loin.

En parlant d’absence de politique, il y a néanmoins une exception pour un certain nombre d’individus qui ont bénéficié des parcelles pour le maraîchage. FEMMES VEUVES OU DIVORCEES

Des femmes veuves ou divorcées, des mères sans mari, sont souvent mises au banc de la société. Encore une fois, les aides de l'Etat sont nulles pour ces personnes particulièrement nécessiteuses. Seules quelques associations et ONG prennent le relais dans le cadre de la lutte contre la mendicité, pour les sortir de cette situation. Ces femmes sont réduites à la mendicité si leur âge et leur condition physique ne leur permettent pas d’exercer le plus vieux métier du monde, la prostitution. Conséquences : femmes et enfants pullulent sur nos artères, au niveau des feux de signalisation, malgré les risques qu’ils encourent. Ainsi, les enfants sont sacrifiés sur l’autel de la pauvreté et de l’inertie de l’Etat.

LES ENFANTS SAISONNIERS

La nouveauté dans la mendicité aujourd’hui à Bamako se situe au niveau de ces jeunes saisonniers. Poussés vers les grandes villes par la misère, ces enfants ne tardent pas à être confrontés à la dure réalité de la vie citadine. Ainsi, avec des haches plus lourdes qu’eux, ils se promènent le long des artères et des rues pour chercher à manger. A y voir de près, on se rend compte que c’est une nouvelle forme de mendicité qui est en train de prendre corps dans notre pays. Il est difficile de comprendre qu’un individu qui cherche à manger passe sa journée sur les trottoirs, au lieu d’aller dans les concessions.

LES TALIBéS ou ‘’Garibou’’

Au sens étymologique, un talibé est un disciple ou élève apprenant le coran. Au Mali, un talibé (Garibou) est un enfant confié par ses parents à un maître coranique. Le contrat traditionnel implique que le marabout enseigne le coran et inculque à l’enfant une des vertus essentielles à savoir l’humilité par la pratique ponctuelle de la mendicité. La réalité est toute autre. Certains marabouts accueillent plusieurs dizaines de gosses, parfois d'à peine 4 ou 5 ans, les maltraitent, ne les soignent pas. Aussi, ils les nourrissent au ‘’lance-pierres’’ et les font mendier (sept jours sur sept) durant toute la journée, voire même la nuit. Les boites de nuit, à des heures indues sont devenues les lieux de promenades favorites de ces enfants mendiants. Le résultat est tristement éloquent : Des milliers d'enfants habillés en haillons, mal nourris, sales comme des porcs avec les pieds nus, souvent malades, courent dans les rues à la recherche de quelques francs CFA qui leur permettront de ne pas se faire cogner par leur tortionnaire en arrivant "à la maison". Ces pauvres enfants fournissent évidemment, dès l'adolescence l'essentiel de la criminalité du pays. Ils n'ont appris aucun métier, ne savent ni lire ni écrire (pas même le coran) et ont rompu les liens qui les unissaient à leur famille. Encore une fois, il est important de souligner le caractère forcément religieux du problème des talibés. La mendicité s'est plus que jamais développée aujourd'hui. C'est un fléau qui est là, et qui ne cesse de ternir l'image de notre pays. Ce, malgré les combats qui ont toujours été menés. Face aux multiples interpellations de la part de ces enfants sacrifiés, l’Etat reste impuissant devant ce phénomène qui prend chaque jour des proportions de plus en plus inquiétantes. La mendicité fait partie d’une vieille tradition culturelle et religieuse de notre pays, d’autant plus que l’aumône constitue l’un des piliers de l’islam. Ce fléau ne peut être géré que par une implication des populations à la base, mais aussi et surtout par une implication effective des collectivités locales. Cependant, en tout état de cause, il apparaît aujourd'hui nécessaire de mettre un frein à ce phénomène pour garantir l'épanouissement de tous les enfants qui mendient.

LA DEMISSION DES AUTORITES

En ce qui concerne Bamako, le gouverneur et les maires du District ne sont pas exempts de reproches. Ibrahim Féfé Koné, premier responsable administratif de Bamako doit répondre de son laxisme face à la recrudescence de la mendicité dans notre capitale. Plus que tout ailleurs au Mali, Bamako est aujourd’hui pris d’assaut par des colonies de plusieurs dizaines d’élèves coraniques. A l’absence de statistiques sur le nombre, il est impossible de mener tout programme viable. On se rappelle encore les dispositions sur fond de menaces prises par le Gouverneur Ibrahim Féfé Koné. En effet, face à l’ampleur de la mendicité, il avait sommé les maires de nettoyer chez eux. Cette sommation était assortie de sanction pour les maires récalcitrants. A ce jour, le constat sur l’application de cette volonté (qui consistait à faire évacuer les mendiants au niveau des feux de signalisation et aux abords des routes) est lamentable. L’autorité du gouverneur a été foulée aux pieds par des maires qui s’estiment plus légitimes que jamais. Pourquoi Ibrahim Féfé Koné n’a pas mis ses menaces à exécution ? A-t-il été contraint au silence ? Toujours est-il que le gouverneur du district a failli à son devoir. Par son incapacité à prendre ses responsabilités, notre capitale est devenue le nid des mendiants.

En dehors des hésitations du gouverneur, le ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales doit prendre le relais pour donner un vissage beaucoup plus gai à notre pays à travers Bamako.

DES PISTES DE SOLUTIONS

La prévention semble être le moyen le plus efficace pour lutter contre ce fléau. Ces mesures de prévention devraient intégrer la réduction de la vulnérabilité des ménages à travers des mesures de protections sociales dans les zones d'origine des enfants migrants. Il y a également, la diminution des barrières d'accès à l'école et l'accroissement de la qualité de l'éducation. Ce qui offrira aux familles, la possibilité de faire un investissement sur le capital humain que représentent leurs enfants. A cela s'ajoutent les appuis dans les zones de provenance des enfants, la création d'activités génératrices de revenus à l'intention des marabouts qui maltraitent, l'élargissement du programme enseigné dans les écoles coraniques, l'introduction de la formation professionnelle. Il y a également la création d'environnement propice sur les plans politique, juridique et institutionnel par l'intégration des problèmes de ces jeunes dans les plans et programmes nationaux.

En un mot, il s’agit d’assurer la réintégration d’un maximum d’entre eux dans leur famille ou leur communauté quand ils en sont séparés, de veiller à leur santé et à leur nutrition, tout en améliorant leur scolarisation. Concrètement, cela passe par la coordination et la formation des différents acteurs : des ministères jusque sur le terrain, en passant par les travailleurs sociaux et les autorités religieuses.

Financièrement, il s’agit d’instituer un système de prestations directes en faveur des familles vulnérables soit sous forme de services gratuits, soit sous forme d’allocations. Sont en jeux, l’accès à des soins de santé de base, l’entrée à l’école, l’aide alimentaire, l’assistance psychologique.

Cependant, l ‘assistance peut avoir des inconvénients, en ce sens que les parents, une fois convaincus que leurs fils seront assistés n'hésiteront pas à confier d'autres enfants à ces marabouts itinérants.

En dernier ressort, l’Etat doit prendre des mesures contraignantes pour dissuader les mendiants à s’exposer le long des artères de nos villes, d’autant plus que cette situation les expose à des accidents qui peuvent être mortels. Concernant les marabouts qui exploitent au mépris de tous les préceptes religieux, les autorités doivent sévir avec la dernière énergie. C’est à ce prix que nous viendrons à bout de ce fléau à la fois regrettable et dramatique.

Lamine Diallo

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